Il était une fois Louis-le-Grand…
Interview de Charles Beigbeder (LLG 1985), par Ludovic Herman de L’Entreprise Sentimentale (LLG 1987).
« Vouloir vivre pleinement ma vie m’a coûté de ne pas intégrer Polytechnique »
Avant d’être président de Audacia, Charles Beigbeder fut lycéen puis élève en classe préparatoire scientifiques à Louis-le-Grand. Voici un rapide retour sur l’expérience qui fut la sienne.
1. Comment êtes-vous arrivé à Louis-le-Grand ? Était-ce votre choix ?
Ce fut le choix de mes parents et aussi la recommandation de l’institut Bossuet ou j’étais demi-pensionnaire et à l’externat quand j’étais collégien. L’Institut Bossuet, c’était une sorte d’étude pour nous permettre de faire nos devoirs après les heures de classe. Nous étions un petit groupe qui était dans mon cas et donc je n’arrivais pas seul, mais on m’avait prévenu que ce serait bien différent de Montaigne.
2. Comment vous êtes-vous senti accueilli ? Quelles furent vos premières impressions ?
Ce qui m’a frappé, c’est la non-mixité, il n’y avait que des garçons au lycée, cela changeait nettement du collège Montaigne qui était mixte. Le collège Montaigne avait dû inspirer le film Diabolo Menthe de Diane Kurys et la chanson du même nom d’Yves Simon. Louis-le-Grand était aussi plus petit, 5 à 6 secondes quand Montaigne avait 12 classes de 3ème !
Mais à Louis-le-Grand, j’effectuais aussi une deuxième rentrée, 3 ans plus tard en classe préparatoire. Là, ce fut quasi traumatisant : en 1re heure du 1er cours de math, on commençait par une interrogation écrite. Où je ne comprenais rien alors que j’étais 1er en terminale à Louis-le-Grand. Ce fut un véritable choc dans cette classe ou les meilleurs de France se retrouvaient et toutes les cartes étaient rebattues.
3. En-dehors de connaissances académiques, qu'avez-vous retenu de « l’école Louis-le-Grand » ?
J’ai appris la rigueur, cette valeur qu’on rencontre moins ailleurs, il fallait être toujours plus rigoureux, jamais approximatif, le bullshit cela ne passait pas.
J’ai appris aussi ce que c’est d’être un électron libre en concurrence avec des équipes qui elles s’organisaient pour apprendre ensemble. Le lycée, contrairement à Ginette ou la dimension collective était organisée, LLG ne s’impliquait pas sur ce sujet chacun travaillait comme il pouvait.
J’appris à tout noter, aujourd’hui, j’ai toutes mes notes sur mon téléphone, à l’époque, je notais toutes les formules sur des petits carnets noirs qui tenaient dans la poche. En vacances, sur les télésièges au ski, si je n’arrivais pas à me mettre à côté d’une jolie skieuse, je sortais mon petit carnet et je révisais.
J’ai appris que vouloir vivre pleinement ma vie m’a coûté de ne pas intégrer polytechnique ! Le samedi soir précédent l’oral, j’étais en soirée, j’ai échoué en français et en anglais ou j’étais doué, mais où j’avais omis de me perfectionner. Faut-il le regretter ? J’avais besoin de me sentir vivant en sortant. "Heureusement que tu n’as pas fait polytechnique, mais Centrale » m’ont dit mes amis qui me connaissaient bien, « tu serais devenu odieux ».
J’ai appris enfin que la pression familiale, qui veut que les fils intègrent la même école que ses frères ou que son père peut être fatale. Un étudiant qui avait cubé n’avait pas réussi à intégrer l’école convoitée se suicida, et cela me fait encore mal là.
4. Et quels amis fréquentiez-vous ?
J’avais des amis dans ma classe, mais aussi cas assez rare à LLG, des amis dans d’autres filières aussi : Guillaume d’Hauteville en prépas HEC, Florence St Guilhem en Khâgne… On avait même une tradition, une fois que j’ai eu mon permis, le mardi midi on prenait ma 104 S rouge, on passait rive droite pour déjeuner dans un café près du lycée de jeunes filles bien nées, « La Tour » … et on revenait à 14 h 00. Une sorte de sortie oasis dans nos semaines autocentrées sur apprendre, apprendre et encore apprendre
5. Et quels sont les professeurs qui vous ont aidé, marqué ?
Madame Minois, Monsieur Chamareaux, Monsieur Montchamp pour la rigueur (tous professeurs de mathématiques) et Olivier Clément pour l’histoire.
6. Et la sentimentalité à Louis-le-Grand ? Étiez-vous amoureux à l’époque du lycée ?
Oui, mais de personnes hors du lycée. Au lycée l’ambiance tenait plus du tue l’amour que du romantisme, la fête, l’amour, c’était hors des murs du lycée. Ces 6 ans de vie rue st Jacques furent heureuses sentimentalement, mais éprouvantes scolairement. Je ne voulais pas passer a côté de ma jeunesse juste parce que j’étais à Louis le grand. J’avoue cependant que lorsque dans le milieu bourgeois dans lequel j’évoluais, où l’école privée était souvent privilégiée, quand je disais que je venais de Louis-le-Grand, il y avait un effet waouh. LLG était associé, à raison, à un haut niveau de qualité.
7. Quels messages souhaiteriez-vous communiquer aux jeunes actuellement à Louis-le-Grand ?
Profitez de ces études extrêmes pour avoir une double vie : à LLG et en dehors du lycée, demandez-vous où vous êtes bon et où vous vous voulez devenir excellent. Si c’était à refaire, je travaillerais encore plus mes points forts. Ce n’est pas prétentieux ni arrogant de viser l’excellence dans ce que vous aimez.
8. Que pourrait vous permettre l’association des anciens élèves du lycée Louis-le-Grand ?
J’aimerais que l’association parle encore davantage de l’histoire de Louis le Grand, qui débuta bien avant la révolution, avec le collège de Clermont.
Merci
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